Tendances 2021

À LA RECHERCHE D’ORIGINALITÉ

L’illustration est toujours là, et bien là.
Revenue sur le devant de la scène depuis quelques années, elle semble ne plus en partir. Bien au contraire, elle est une source inépuisable de créativité et de renouveau. La scène illustrative nous semble toujours riche et stimulante cette année.

Deux styles ont particulièrement attiré notre regard.
Tout d’abord le fait main avec textures, déformation des corps et saturation de couleurs. Les têtes sont petites, les bras et jambes démesurés, comme si la vue en contre-plongée était la norme. Les illustrations foisonnantes, puissantes et très personnelles de Kezia Gabriella sont un must. Elles poussent l’illustration aux confins de la peinture et de l’expression pour un rendu très actuel, décomplexé, fun et qui ne laisse personne de glace.

Ensuite, des illustrations au style marqué avec des contours noirs systématiques, des couleurs tranchées et des aplats vifs. L’inspiration des années 80 a encore frappé ! Soit traité de façon BD à la papa, soit de façon très géométrique/psychédélique, le contour est de retour.

TYPOS TYPÉES : DE FORTS CARACTÈRES

Il y a quelques années, on avait assisté à un mouvement baptisé « blanding ». Cette tendance avait été suivie par nombre de grandes marques du luxe comme des startups. Cela consistait à utiliser des typographies bâtons dont toute originalité visuelle avait disparu au profit de la lisibilité et de l’accessibilité. La conséquence de ce mouvement a été une grande vague d’uniformisation typographique de ces marques.

Depuis 2020, on observe la tendance inverse, sans doute en réaction à l’uniformisation. Les typographies redeviennent personnelles, dessinées, parfois d’inspiration rétro, et participent grandement à la force des visuels. Les formes sont libres, expressives, très souples, et la typo est très présente. On n’hésite pas à l’utiliser en grande taille en titrage, dans des couleurs saturées. Placée au centre du visuel, la typographie redevient un élément différenciant, elle donne du caractère au visuel.

Poussée à l’extrême, cette tendance typo peut aller jusqu’à l’ornement pur : la lisibilité n’est plus recherchée, au contraire. La typo devient presque uniquement décorative. Le regard est attiré par une difficulté à lire, on force la curiosité car la compréhension n’est pas immédiate. En cela, certains exemples peuvent être rapprochés de graffs dont les lettrages sont volontairement difficiles à lire.

ET TOUJOURS LE RÉTRO-MODERNE

Avec le retour de typographies très marquées, les codes graphiques vintage sont encore présents en 2021. Les photos sont saturées, comme si elles étaient prises avec de vieux appareils argentiques. Elles sont floues, elles ont du grain, les couleurs sont mal équilibrées…

En graphisme aussi, le rétro-moderne est toujours là, que ce soit avec le retour du parme ou de formes rétros. Des années 70 à 80, on se promène dans le temps.

PREMIER MOUVEMENT : DÉSTRUCTURER LA GRILLE

Ici aussi, il semble que la rue inspire le graphisme.
À l’instar d’affiches collées sur les murs, la mise en page se libère de grilles trop répétitives ou contraignantes. Les visuels semblent avoir été assemblés de façon spontanée, presque hasardeuse. Textes, images et graphismes sont composés sans logique ou structure apparente. On joue avec le visuel, on coupe, on colle, on superpose, les éléments se chevauchent, s’entremêlent… La superposition est reine. Les traces de peinture à la bombe qui dépassent le cadre de l’affiche renforcent l’impression de voir une affiche de rue, déjà taguée.

L’effet « collage de rue » est parfois dupliqué sur toute une série de visuels, et propose plusieurs mises en pages à partir des mêmes ingrédients. Le « multi-affiches » peut aider le lecteur à la compréhension. Il donne l’impression de regarder un écran sur lesquels les éléments bougent et ne restent pas figés. Le travail du studio Murmure pour le Centre National Chorégraphique de Caen, initié en 2019, se poursuit dans ce sens, avec un travail sur le site internet particulièrement étonnant.

SECOND MOUVEMENT : RE-STRUCTURER LA GRILLE

C’est un éternel mouvement de va et vient entre les tendances et on n’y échappe pas ici. À l’opposé du mouvement précédent, nous voyons revenir cette année des propositions très ordonnées. La structure de la mise en page est tellement forte que des filets la donnent à voir. De fines lignes structurent la page, peut-être inspirées par les filets de séparation des blocs textes de la presse quotidienne traditionnelle. Associées à des typographies très dessinées, elles créent une mise en page à la fois « à l’ancienne » et en même temps très contemporaine. Le travail de Violaine et Jérémy est particulièrement remarquable (en mise en page comme en création typographique).

On observe cette tendance en print, mais aussi, et c’est plus rare et original, sur le web où des premiers exemples de sites sont basés sur des mises en pages lignées, très structurées.

DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT, BLACK LIVES MATTER, VIOLENCES FAITES AUX FEMMES, FÉMINISME… LES GRAPHISTES PRENNENT PART AUX MOUVEMENTS ACTUELS

Les graphistes s’engagent et mettent leurs images au service de certaines causes. On se souvient du visuel de Jean Julien qui avait fait le tour de France, voire du monde, lors des attentats de 2015.
Le contexte de l’année 2020, avec entre autres, le mouvement américain Black Lives Matter et la mort de Georges Floyd, la généralisation des collages de messages contre les féminicides, la lutte contre le réchauffement climatique, et l’angoisse liée à l’épidémie de Covid-19, a été particulièrement lourd.

Certains graphistes s’engagent pour porter une cause, que ce soit en utilisant l’illustration, la photographie ou la typographie. Cela n’est pas nouveau : nombre de fanzines, des années 60 à aujourd’hui, ont porté un engagement fort, politique ou social. La nouveauté vient sans doute de la rapidité et de l’ampleur de la diffusion sur les réseaux sociaux. Certaines images font le tour du monde en un temps record. Les graphistes et les artistes s’approprient les sujets d’actualité et utilisent leur talents pour produire des images marquantes. Nous en proposons ici quelques exemples, et notamment des extraits du travail de Formes Vives, incontournable sur ce sujet.

La tendance « Nude » voit le jour en réaction face aux images publicitaires qui montrent des corps féminins trop parfaits. Un ras-le-bol de la femme blanche et blonde, toujours jeune, aux mensurations inatteignables, à la peau lisse et sans défauts, retouchée à l’extrême, se fait sentir. Certaines marques ont le parti pris de jouer sur le «naturel» : zéro retouche, des mannequins de toutes formes et toutes origines. Les marques de culottes menstruelles Fempo, Elia ou Rejeanne proposent une image respectueuse et vraie de la femme, à laquelle la clientèle peut s’identifier.

En illustration, le studio Xaviera Altena montre des femmes fortes, avec des couleurs très saturées, vues en contre-plongée, la tête dans les nuages, pour insister sur leur grandeur. On voit apparaître des projets graphiques autour de typographies inclusives. Les typographies peintes à la main, comme sur les pancartes de manifestations sont utilisées pour certains manifestes.
Des graphistes créent des images pour magnifier les femmes de toutes origines, et supporter Black Lives Matter. On voit émerger des graphistes travaillant sur le continent africain, dont les images commencent à dépasser les frontières… Engagement et diversité sont de mise.